«Dieu, la patrie et la famille». Telle est la devise de Giorgia Meloni, celle qui est désormais annoncée comme la prochaine à diriger le gouvernement italien. Une élection qui fait craindre le pire aux personnes LGBT+ du pays. En ef la dirigeante d’extrême-droite n’a jamais mâché ses mots à leur égard. Retour sur quelques prises de position remarquées.
Après la Suède, où une coalition des droites accède pour la première fois au pouvoir à l’issue des élections législatives du 14 septembre dernier grâce au parti d’extrême-droite «Démocrates de Suède», ou encore, dans une moindre mesure, la nomination, le 6 septembre dernier, de la députée et ministre conservatrice peu connue pour être LGBT-friendly Liz Truss en tant que nouvelle première ministre du Royaume-Uni, les personnes LGBT+ avaient déjà suffisamment de quoi se soucier du changement de visage qu’adopte l’Europe. Les choses sont encore plus inquiétantes pour elles depuis la victoire de la coalition des droites en Italie, avec 43,8% des suffrages, à l’issue des élections législatives de ce 25 septembre. De quoi assurer à la coalition une majorité absolue à la chambre des députés et au Sénat. Plus alarmant encore : celle qui est arrivée en tête du scrutin et au sein de la coalition des droites (26% des voix) s’appelle Giorgia Meloni et dirige “Frères d’Italie”, un parti d’extrême-droite qui descend du néo-fascisme italien.
Nationaliste (nostalgique du dictateur fasciste italien Benito Mussolini, décrit comme «un bon politicien», car «tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour l’Italie», selon Giorgia Meloni, âgée de 19 ans au moment de ces propos recueillis en 1996 par France 3 pour un reportage qui a été largement rediffusé sur les réseaux sociaux ces dernières semaines), eurosceptique, anti-immigration et désireuse d’une action ferme contre le radicalisme islamique, pro-Ukraine, anti-restrictions sanitaires, favorable à une lutte mesurée contre le dérèglement climatique… Le programme défendu par Giorgia Meloni couvre de nombreux domaines. D’un point de vue sociétal, la femme politique se montre profondément engagée en faveur de «la défense et la promotion des racines judéo-chrétiennes de l’Italie et de l’Europe», de la défense de la famille dite traditionnelle et de la natalité. Si les droits des personnes LGBT+ sont à peine évoqués dans son programme électoral («le parti s’engage dans la lutte contre toute forme de discrimination, notamment celle liée à l’orientation sexuelle. Il entend maintenir la loi sur les unions civiles mais s’oppose à l’adoption homoparentale et à la GPA»), les prises de parole de Giorgia Meloni sont, en revanche, claires à ce sujet. En voici quelques exemples.
«Je suis Giorgia»
Octobre 2019. L’extrême-droite italienne se rassemble sur une place de Rome pour manifester son opposition au nouveau gouvernement de l’époque, formé le mois précédent. À la tribune, devant plus de 50 000 personnes (selon la préfecture de police), Giorgia Meloni y tient alors un discours virulent contre la communauté LGBT+ :
«Ils veulent que nous devenions parent 1 et parent 2, LGBT, citoyens X… Des codes ! Mais nous ne sommes pas des codes ! Nous sommes des personnes, et nous défendons notre identité. Je suis Giorgia. Je suis une femme. Je suis une mère. Je suis chrétienne. Tu ne me l’enlèveras pas»
Devenu viral sur les réseaux sociaux, ce discours, tantôt vivement critiqué, tantôt applaudi, a significativement contribué à faire connaître et à rendre populaire celle qui n’est encore que députée et présidente d’un petit parti fondé en 2012.
Depuis, Giorgia Meloni a récidivé, en l’occurrence cette année, en juin dernier plus exactement, lors d’un discours tenu à Marbella, en Espagne, pour soutenir la candidature de Macarena Olona, députée Vox (extrême-droite), à la présidence de l’Andalousie, région au sud du pays. Son rapport à la communauté LGBT+ n’a visiblement pas changé :
«Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l’identité sexuelle, non à l’idéologie du genre ! […] Si vous allez au-delà des slogans, vous vous rendrez compte à quel point le véritable objectif de l’idéologie du genre n’est pas celui tant vanté de la lutte contre les discriminations, ni celui du dépassement des inégalités hommes-femmes. Le véritable objectif non déclaré mais tragiquement évident est la disparition de la femme, et surtout la fin de la maternité. L’homme d’aujourd’hui peut être tout, père et mère, dans une large gamme qui va du féminin au masculin, alors que les mots les plus censurés par le politiquement correct sont mère et épouse.»
Cette association d’idées entre personnes LGBT+ et condition féminine, qui revient régulièrement dans les prises de parole de Giorgia Meloni, semble importante pour mieux comprendre sa conception des choses : sans s’affirmer en tant que féministe, Giorgia Meloni prétend défendre les femmes à savoir «l’aplatissement de la différence sexuelle» pour mieux invisibiliser les femmes et instaurer «un nouveau modèle patriarcal». Les personnes LGBT+, le nouveau meilleur allié des hommes pour maintenir le patriarcat en place ?
Pour Giorgia Meloni, un père et une mère sont à l’origine de «la stabilité du couple»
Sans surprise, Giorgia Meloni est opposée au mariage gay et à l’accès à la parentalité pour les couples LGBT+, notamment via l’adoption.
«Il existe déjà les unions civiles et cela fonctionne bien comme ça. Je ne suis pas d’accord avec le droit d’adoption des homosexuels car il faut garantir le meilleur aux enfants qui ont déjà souffert, ce qui passe, pour moi, par un père et une mère, la stabilité du couple», a-t-elle déclaré mi-septembre lors de son unique débat avec son principal adversaire pour cette élection, l’ancien premier ministre italien Enrico Letta (gauche).
Mais alors, si la parentalité pour les couples LGBT+ n’existe pas dans le monde de Meloni, et que les relations hétérosexuelles sont la clé d’un couple stable, d’où viennent tous ces «enfants qui ont déjà souffert» ?
«Ne touchez pas aux enfants !»
Le drag n’est pas non plus la tasse de thé de Giorgia Meloni. En effet, en février 2020, la mairie de Rome propose à deux drag queens de se rendre bientôt dans une école de la capitale italienne pour raconter des histoires à des enfants. Inacceptable pour plusieurs parlementaires, dont Giorgia Meloni, qui décide alors de s’offusquer de cette initiative sur le réseau social Twitter :
«Deux drag queens parleront d’«inclusion» et d’«amitié» à des enfants à partir de trois ans dans une école de Rome. Tout est en ligne. Suis-je la seule à penser que c’est une folie ? Ne touchez pas aux enfants !»
L’atelier est finalement reporté, mais pas sous la pression de Giorgia Meloni et d’autres parlementaires : au même moment, la première vague de coronavirus déferle sur l’ensemble du pays, imposant la mise en place de mesure de restrictions drastiques. L’inclusion et l’amitié attendront, hélas.
«On ne peut pas dire qu’aujourd’hui, les homosexuels soient discriminés»
Mais pas que l’amitié et l’inclusion. En effet, à l’été 2020, l’extrême-droite italienne est vent debout et le fait savoir dans la rue. En cause ? Un projet de loi, le «DDL Zan», du nom du député de gauche qui porte ce projet, Alessandro Zan, qui est, à ce moment-là, examiné par le parlement italien. L’objectif ? Avoir une loi de référence pour «combattre la discrimination et la violence fondées sur le sexe, le genre, l’orientation sexuelle ou le handicap», qui viendrait compléter celle déjà existante en matière de racisme et d’antisémitisme.
Pour Giorgia Meloni, il ne s’agit alors rien d’autre que d’«une loi liberticide qui ne vise qu’à introduire un nouveau délit d’opinion et à faire taire ceux qui ne se plient pas à la pensée unique». D’après elle, «on ne peut pas dire qu’aujourd’hui, dans la réalité italienne, les homosexuels soient discriminés. Si je regarde les chiffres de l’observatoire concerné, il me dit que sur 1500 cas signalés au cours des huit dernières années, la discrimination fondée sur le sexe n’a été prouvé que pour 200 d’entre eux. C’est une réalité, mais ce n’est pas une escalade».
De là à affirmer qu’un «lobby LGBT» serait à l’origine de ce projet de loi qu’elle juge inutile ? «Il y a des groupes de pression, bien sûr, qui ne sont pas seulement composés d’homosexuels, mais aussi d’hétérosexuels. Je vois beaucoup d’hétérosexuels qui défendent certaines positions par crainte, s’ils ne les partagent pas, d’être considérés comme des monstres», a expliqué Giorgia Meloni lors d’une interview pour Radio 24 ce mois-ci. «Je connais des homosexuels qui pensent comme moi, il n’y a rien d’homophobe là-dedans», a-t-elle ensuite ajouté, manquant de rappeler que cet argument ne tient pas la route puisque nombreuses sont les personnes LGBT+ à avoir intériorisé un argumentaire LGBTphobe au cours de leur éducation, et donc à défendre ouvertement, pour diverses raisons, ces positions qui peuvent apparaître, à première vue, contradictoires venant de ces personnes.
Face à l’opposition de la droite et de l’extrême-droite italienne, mais aussi à l’influence d’un des voisins du pays, à savoir la ville-Etat du Vatican, également catégoriquement opposée, cette loi n’a finalement pas vu le jour : approuvée par la chambre des député/e/s en novembre 2020, le sénat, lui, s’y est opposé en octobre 2021 (par 154 voix contre 131 voix).
Selon Giorgia Meloni, les marches des fiertés sont des «privilèges» accordés aux personnes LGBT+
Terminons ce tour d’horizon par un dernier objet de répulsion de Giorgia Meloni vis-à-vis de la communauté LGBT+ : les marches des fiertés. En 2008, celle qui est encore alors vice-présidente de la chambre des député/e/s et qui est sur le point d’être nommée ministre de la jeunesse (la plus jeune jamais nommée au poste, dans les deux cas) est interrogée par Klaus Davi sur YouTube pour son émission «KlausCondicio». Questionnée sur les évènements organisés à l’occasion du mois des fiertés qui doit avoir lieu incessamment sous peu, Giorgia Meloni n’y va pas par quatre chemins :
«J’ai des amis homosexuels et je n’ai jamais manifesté aucune forme de répulsion ou de discrimination envers le monde homosexuel, mais j’ai exprimé, et continue de manifester, une forme de déception envers la Gay Pride, qui est un étalage que je trouve très agaçant. On y a vu des scènes vraiment horribles, des scènes qui blessent même les gays. Les homosexuels de bon sens s’en rendent compte mieux que moi.»
Avant d’ajouter :
«Il me semble que nous sommes confrontés là à des formes de privilèges. Aucune administration locale ne m’a jamais donné de l’argent pour aller montrer mes goûts sexuels par exemple.»
L’Italie de Giorgia Meloni, ce sera donc «Dieu, la patrie et la famille», mais sans les italiennes et italiens LGBT+.