Où sont les personnes LGBT+ ? A en croire les téléfilms de Noël qui inondent, chaque année, nos écrans à partir d’octobre, les couples LGBT+ et les familles homoparentales n’existent pas, ou bien iels ne fêtent pas Noël. Un manque de représentation problématique qui commence seulement et lentement à être pallié, comme en témoignent trois téléfilms diffusés cette année.
Augmentation du nombre de personnages LGBT+ dans les fictions françaises ou étrangères diffusées à la télévision, diversification des rôles confiés aux personnages LGBT+… Ces dernières années, des progrès en termes de représentation ont pu être observé.
Toutefois, un des types de fiction continue de faire de la résistance : les téléfilms de Noël. Pourtant, des personnes qui retrouvent leur premier amour, dont le ou la meilleure amie avoue enfin avoir des sentiments pour iel depuis toujours, ou bien qui décide de changer de vie après avoir effectué un séjour plein de nostalgie à la campagne dans l’entreprise familiale, cela existe, quelle que soit l’orientation sexuelle. Dès lors, comment expliquer ce décalage ?
La volonté d’inclusivité de certaines chaînes confrontée aux limites de leur stratégie d’importations
En France, cela tient en une principale raison : la dépendance au marché américain. En effet, dans la mesure où les chaînes de télévision préfèrent investir dans d’autres tranches horaires que leurs après-midis, peu suivies (à défaut d’avoir les moyens d’investir dans toutes), elles décident d’acheter des téléfilms de Noël à l’étranger, pour l’essentiel aux Etats-Unis, plutôt que d’en produire elles-mêmes.
«Nous travaillons avec la chaîne de télévision américaine Hallmark. Nous sélectionnons dans son catalogue les films les plus originaux, les mieux produits et ceux qui sont le plus en adéquation avec la ligne de TF1», explique, par exemple, Agathe Guillemet, responsable des téléfilms de Noël pour la une, interrogée par 20 Minutes.
Ainsi, si la volonté de TF1 de proposer une offre «ancrée dans la société d’aujourd’hui» peine à se concrétiser, c’est avant tout parce qu’aucune autre chaîne de télévision américaine ou étrangère ne semble à la fois proposer des téléfilms de Noël qui renouvellent le genre et qui cochent toutes les cases pour TF1.
Néanmoins, depuis l’hiver dernier, sous l’impulsion du sensible renouveau de l’offre des chaînes de télévision américaines, les Noël qui nous sont donnés à voir sur nos écrans français semblent enfin prendre une couleur queer. Tour d’horizon des trois téléfilms de Noël queer (tous diffusés sur TF1, sur les trente-cinq inédits proposés par la chaîne) à découvrir à la télévision cette année.
«Un Noël d’enfer» de Pat Mills
A l’automne 2021, TF1 fait sensation en programmant, une après-midi, le téléfilm inédit «Un Noël d’enfer» du réalisateur canadien Pat Mills. La raison ? Certainement la présence au casting de l’actrice américaine Fran Drescher, connue pour avoir incarné le rôle principal dans la célèbre série des années 1990 «Une nounou d’enfer». Mais pas seulement : il s’agit surtout de la première fois que TF1 (et certainement la télévision française) diffuse un téléfilm de Noël LGBT+.
Le pitch ? Hugo (joué par Ben Lewis, vu dans les saisons 7 et 8 de «Arrow»), un jeune avocat new-yorkais, rentre dans son Wisconsin natal pour passer les fêtes de Noël avec sa mère (Fran Drescher). Il ne s’attendait alors pas à revoir et renouer avec Patrick (Blake Lee), un ancien camarade de lycée il y a plus de dix ans dont il ignorait qu’il est gay. Alors que les deux hommes tendent rapidement à se rapprocher, Hugo se voit offrir une promotion à Londres. Va-t-il faire le choix de la raison ou écouter son cœur ?
Vous l’aurez compris : la forme est ici résolument queer mais le fond, lui, reste tout ce qu’il y a de plus classique en termes d’intrigue et conservateur en ce qui concerne les valeurs valorisées. Doit-on se contenter de se dire, de la même façon que pour les romances avec la série de Netflix «Heartstopper» (2022), que ce téléfilm de Noël est certes plein de bons sentiments et prévisible comme n’importe quel téléfilm de Noël mais que les personnes LGBT+ ont bien le droit de s’en voir également proposer ? A vous de voir.
A noter : sachez que les deux acteurs qui incarnent Hugo et Patrick sont tous deux gays dans la vraie vie et… mariés ensemble. De quoi sans nul doute faire fondre le cœur de celles et ceux qui seraient tenté/e/s par l’idée de regarder le téléfilm. Si c’est le cas, rassurez-vous : une séance de rattrapage pour «Un Noël d’enfer» vous sera proposée vendredi 25 novembre à 15h40 sur TF1, avant d’être rediffusé encore plusieurs fois dans les jours et semaines qui suivent, cette fois sur la petite sœur du groupe, TMC.
En attendant, le jour de sa diffusion, le 9 novembre 2021, «Un Noël d’enfer» a été un succès d’audience : 1,2 million de personnes (19,8% du public), soit dans la moyenne des audiences des après-midis de TF1, tout comme dans la moyenne (basse) des téléfilms de Noël diffusés par la chaîne en 2021 (1,5 million de personnes, 20,2% de public).
«Noël, toi et moi» de Lisa Rose Snow
Preuve que cette programmation a été couronné de succès : TF1 renouvelle l’expérience cette année, avec, cette fois, deux nouveaux téléfilms de Noël LGBT+ inédits pour ses après-midis.
Le premier, «Noël, toi et moi» de la réalisatrice canadienne Lisa Rose Snow, raconte l’histoire de Charlie (interprétée par Tattiawna Jones, vue dans «The handmaid’s tale», «Les 100» et «Perdus dans l’espace»), une fonctionnaire qui est chargée d’acheter un sapin pour la cérémonie annuelle des illuminations de Noël de la capitale de l’état du Maine. Elle pense rapidement avoir trouvé le sapin idéal sur le terrain des Beltran, un couple propriétaire d’une entreprise centenaire de produits de Noël et dont la fille Alma (Elise Bauman) va prendre la relève à la fin de l’année. Seulement, Alma s’oppose à la jeune femme et à ce que cet arbre soit abattu.
Vous désirez en voir plus de cette romance lesbienne ? Il faudra, dans ce cas, patienter jusqu’au jeudi 8 décembre à 13h55, date de diffusion de «Noël, toi et moi» sur TF1.
«Duel à Noël chez les Mitchell» de Rich Newey
Le second téléfilm inédit est «Duel à Noël chez les Mitchell» du réalisateur américain Rich Newey. Deux ans après le premier opus («Noël chez les Mitchell», 2020), ce téléfilm de Noël nous propose de retrouver la famille Mitchell. L’an passé, Mike (Robert Buckley, vu dans les saisons 7 à 9 des «Frères Scott»), l’un des deux fils Mitchell, a voulu voir les choses en grand à Noël pour que la tradition de la famille reste intacte. Seulement, cela s’est révélé être une catastrophe. C’est pourquoi, cette année, Mike ne veut rien faire à Noël. Le reste de la famille Mitchell, elle, voit les choses différemment : celle-ci meurt d’envie de participer à un concours télévisé dans lequel deux personnes s’affrontent dans le but de proposer la plus belle maison décorée pour Noël. A force d’insister, la famille de Mike finit par le faire changer d’avis. Un imprévu vient alors changer la donne : l’adversaire de Mike au concours déclare forfait. La production pense à une solution : le remplacer par Brandon (Jonathan Bennett), qui n’est autre que le frère de Mike.
Contrairement à «Un Noël d’enfer» ou «Noël, toi et moi», le personnage LGBT+ n’est, ici, pas central mais fait partie de plusieurs personnages principaux. Pas question non plus de faire tourner l’intrigue autour d’une histoire d’amour (et donc ne pas faire de l’orientation sexuelle du personnage un élément d’intrigue, comme c’est souvent le cas des histoires impliquant des personnages LGBT+) : Brandon, personnage gay dans la saga de la famille Mitchell est déjà en couple, heureux, et même marié. C’est aussi ça la visibilisation et la banalisation des représentations LGBT+. Reste à voir si le couple formé par Brandon et Jake (Brad Harder), dont la période d’impatience mêlée d’anxiété autour d’un appel au sujet de l’adoption de leur premier enfant constitue une des intrigues secondaires du premier opus, sera autant visible dans cette suite. Y verra t-on une famille homoparentale ?
Pour le savoir, réponse le lundi 28 novembre à 13h55 sur TF1, suivi, à 15h40, de la rediffusion des premières aventures de la famille Mitchell.
M6 et C8 moins sensibles à l’inclusivité de leurs téléfilms de Noël que TF1 ?
Et les autres chaînes dans tout ça ? Si aucune des chaînes du groupe France Télévisions n’a l’habitude de proposer des téléfilms de Noël à l’occasion des fêtes de fin d’année, il en est autrement sur M6, W9 et 6ter (groupe M6), ainsi que sur C8 (groupe Canal+).
A ce jour, aucune d’entre elles n’a encore diffusé de téléfilm de Noël queer. Si vous êtes abonné/e à MyCanal, la plateforme en ligne du groupe Canal+, sachez, néanmoins, que depuis l’année dernière, il est possible de visionner «Mon ange de Noël», un film du réalisateur américain Otoja Abit, qui invite à découvrir une autre histoire d’amour lesbien à la période de Noël, qui plus est portée par une actrice (Nia Fairweather) et son personnage racisé, chose d’autant plus rare dans un téléfilm de Noël.
Contacté via son service de communication, le groupe M6 n’a pas souhaité nous répondre pour nous apporter des précisions à ce sujet.
Quel téléfilm de Noël LGBT+ vous tente le plus ? En connaissez-vous d’autres ?